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L'actualité du Théâtre du Tandem
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Guyenne – La réalité à la source de la fiction

Par Mélanie Hallé, collaboratrice du Théâtre du Tandem

Guyenne est un village unique dans l’histoire du Québec. Son histoire débute bien avant sa fondation officielle, en 1947.

Pour bien comprendre, il importe de rappeler que la colonisation de l’Abitibi s’est faite en plusieurs vagues successives de peuplement. Souvent pauvres, mal outillés et régis par des plans de colonisation peu adaptés, les colons qui déferlent sur l’Abitibi ont la vie dure. Selon l’agronome France Brien[i], 50% des colons qui s’installent dans les années 30 ne connaissent rien à l’agriculture et on estime qu’il faut compter dix à quinze ans avant que les parcelles déboisées produisent de manière satisfaisante[ii]. Dans ces conditions, la survie est difficile et le taux d’abandon élevé (près de 28%)[iii] n’est compensé que par l’arrivée massive de nouveaux colons.

Pour contrer ces défections qui mettent en péril l’effort de colonisation, diverses expériences sont tentées. Ainsi, deux projets de coopération seront réalisés dans les années 30, l’une à Roquemaure et l’autre à Grande-Vallée en Gaspésie. Les succès obtenus donnent de l’espoir. Le mode coopératif semble susceptible de stabiliser les colonies et apparaît comme « un puissant outil de libération sociale et économique ».[iv]

C’est dans cet esprit que la colonie de Guyenne est fondée quelques années plus tard. Le projet est en partie initié par l’Abbé Couture, le curé de Roquemaure. En 1947, 190 lots de terre sont remis au Syndicat coopératif de Guyenne pour être distribués. Les futurs citoyens doivent s’engager pour une période de dix ans auprès du syndicat, qui est le seul employeur autorisé. Les colons doivent également souscrire à un plan d’épargne de 50% de leurs revenus pour financer la construction de maisons et de granges. Vingt-deux maisons sont ainsi construites durant le premier été. D’une bonne qualité, ces maisons valent en moyenne six fois plus cher que les maisons de colonisation de l’époque, qui sont petites, inconfortables et peu durables. Malgré l’esprit de coopération, la vie est exigeante à Guyenne. La paroisse s’en sort malgré tout mieux que les autres paroisses fondées à cette époque.

L’été, la vie s’organise autour de la construction, du défrichement et de l’agriculture. L’hiver, c’est le travail au chantier. À cela, s’ajoutent de nombreuses réunions et études qui sont obligatoires : « On y discute de toute la gamme des problèmes qui se posent à la colonie, partant des problèmes aussi concrets que ceux du choix des modèles de maison à construire, des techniques de construction ou de défrichement, jusqu’aux choix ou à la remise en question des orientations »[v]. Ces études, qui se concentrent surtout au printemps et à l’automne, prennent du temps mais favorisent l’intégration sociale en plus de contribuer à « créer et maintenir une atmosphère d’intense activité intellectuelle. »[vi]

Dix ans après sa fondation, Guyenne est une colonie bien implantée qui compte 440 habitants dont 71 sont membres du syndicat. « Tous ont leur maison ; 34 ont des granges permanentes ; 20 ont de 12 à 16 hectares en culture (…) le chiffre d’affaires s’établit à près de 300 000 dollars, avec un surplus de 20 000 dollars ». L’expérience est un succès.

[i] Odette Vincent (sous la direction de), Histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, Institut québécois de recherche sur la culture, Québec, 1995, p.252.

[ii] O. Vincent, op.cit., p. 251.

[iii] O. Vincent, op. cit., p. 241.

[iv] O. Vincent, op. cit., p.252.

[v] Laplante, Robert. Guyenne, village coopératif : « la petite Russie », Cachan [France] : Éditions de l’ENS-Cachan, 1994, p. 161.

[vi] R. Laplante, op.cit., p. 191.