Les bouffons
Exclus et prophètes
En raison de leur laideur, de leurs déficiences mentales ou physiques, les bouffons sont des exclus de la société. C’est pourquoi ils sont contraints de mendier et d’errer de ville en ville, de foire en fête foraine. Leur difformité dérange mais leurs parodies, leurs caricatures et leur insolence provoquent le rire et leur permettent de gagner leur pain.
En Europe, à partir du XIVe siècle, les bouffons se font une place à la cour des rois. Ils ont compris qu’ils peuvent bénéficier d’un statut privilégié. Ils jouissent du privilège exclusif de pouvoir rire du roi. Les plus habiles deviennent même conseillers ou médiateurs entre le roi et le peuple et s’ils réussissent à divertir le monarque, ils sont fortement récompensés.
Leur habit, souvent bariolé, montre leur appartenance au roi mais surtout la folie de leur rôle.
Le bouffon est en quelque sorte le double pitoyable du roi et permet d’en renforcer l’image aux yeux de tous.
Bouffons mais pas clowns
D’après Philippe Gaulier, maître bouffon, le clown est un personnage sympathique – on veut l’avoir à notre table – contrairement au bouffon.
Le clown est gentil. C’est un maladroit qui aime les gens, qui imite sans critiquer. Il est drôle et les gens l’apprécient pour sa légèreté et son innocence. On se moque surtout de lui.
Le bouffon, lui, se moque de nous, ses spectateurs. Il est insolent, mordant, sarcastique et grotesque. On l’évite parce qu’il est laid, dérangeant et parce qu’on n’a pas trop envie d’attirer son attention. Ses blagues nous font rire quand il jette son dévolu sur quelqu’un d’autre. Il cache sous ses blagues une critique forte de celui dont il se moque et est constamment à l’affût de toute matière à exploiter.
Le bouffon ne croit en rien et se rit de tout. Sa liberté de ton totale lui permet de dépasser toutes les contradictions et de parler sans tabou, nous renvoyant à notre intelligence et à notre propre responsabilité.
Source photo : Bouffons stylisés de l’École internationale de théâtre Jacques Lecoq